Ce week-end, les 10 équipes internationales de SailGP entrent dans l’arène andalouse pour la 3e année consécutive, sur un plan d’eau qui évoque des moments forts au clan français : l’arrivée du nouveau pilote Quentin Delapierre en 2021, la première victoire tricolore l’année suivante. Il y a deux ans, Cadix marquait aussi un jalon très important dans l’évolution de SailGP et de la voile de compétition : pour la première fois, les femmes intègrent tous les équipages des F50 au poste de “strategist”.
Le Women’s Pathway – programme lancé par SailGP pour instaurer la mixité sur le circuit F50 - a été un processus rapide. Dans le sillage de la pionnière Marie Riou, seule femme de la league à officier comme contrôleuse de vol sur le bateau français en 2019 (Saison 1), elles sont désormais une vingtaine à régater en F50.
La Française Amélie Riou est une des premières à vivre cette expérience. Elle se souvient avec émotion de son baptême du feu aux Bermudes en avril 2021 : « Cette première navigation en entraînement dans un cadre paradisiaque et des conditions parfaites restera gravée à vie dans ma mémoire. J’avais été transcendée par toutes ces sensations qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. C’était comme sur des montagnes russes, j’avais des hauts le cœur, j’étais secouée et à moitié malade à l’arrière. C’était l’inconnu, je ne connaissais pas les gars, c’était une découverte du support, de l’équipe, de ce qu’on allait faire ».
Depuis, de l’eau a coulé sous les foils…
Au départ, en effet, les filles ont davantage un rôle d’observatrices : elles naviguent à l’entraînement quand c’est possible, donnent un coup de main dans le paddock, se familiarisent avec l’environnement SailGP. Il faudra attendre l’épreuve de Cadix en octobre 2021 pour entendre leur voix murmurer à l’oreille des pilotes, fruit d’une nouvelle règle rendant obligatoire la présence d’une femme dans l’équipage pendant la compétition.
Depuis, on les retrouve à différents postes à bord des F50, notamment lorsque les équipages sont réduits à 4 dans les petits airs. « Je n’ai jamais eu la sensation d’être là “pour faire joli” et c’est vrai que je suis arrivée au moment où il était acté que les filles seraient à bord pendant les courses, se souvient Manon Audinet. En tant qu’athlète, ce qui m'intéressait, c’était de pouvoir régater sur ces bateaux. Honnêtement, ça ne m’aurait pas tentée de n’être là que pour nettoyer les winches. J’ai eu la chance d’être à bord tout de suite et d’avoir autour de moi une équipe déjà rodée, qui me faisait confiance ». A Cadix l’année dernière, Manon était d’ailleurs à bord pour la toute première victoire française en SailGP, au poste de grinder. A Singapour en janvier, elle gérait le control du vol du F50 bleu blanc rouge.
Femmes puissantes
A l’instar des deux Françaises, il y a du lourd et même du très lourd à l’arrière des F50 : des filles auréolées de palmarès de première classe, toutes issues de l’olympisme. Parmi les plus brillantes, la Britannique Hannah Mills (double championne olympique, médaillée d’argent à Londres + 3 titres de championne du monde en 470) ; la Germano-Brésilienne Kahena Kunze (deux médailles d’or olympiques, 2 titres mondiaux, 4 titres de vice-championne du monde en 49er FX), la Néo-Zélandaise Jo Aleh, (championne olympique et médaillée d’argent à Rio + 2 titres mondiaux en 470) ; les Danoises Anne-Marie Rindom (championne olympique à Tokyo, en bronze à Rio, double championne du monde en ILCA 6) et Katja Salskov Iversen (championne du Monde 49er FX , en bronze aux JO de Rio). Certaines sont en campagne pour Paris 2024 et feront peut-être l’actu dès fin juillet sur le plan d’eau des Jeux à Marseille. C’est le cas d’Amélie Riou (FRA), de Jo Aleh (NZL) et de Kahena Kunze (BRA) en 49er FX, de Maud Jayet (SUI) et Erika Reineke (USA) en ILCA 6 ou encore de Nicoles Van der Velden (ESP) en IQFoil.
Le week-end prochain (14 et 15 octobre), en Espagne, pour ce dernier SailGP de la Saison 4 disputé en Europe, c’est Amélie qui officiera aux côtés de Quentin, Kevin, Jason, Matthieu, Olivier et Timothé.
Jeune maman d’un petit garçon, Manon Audinet sera également présente à terre dans le cadre du Women’s Pathway de SailGP. Elle participera aux briefings des Frenchies et sera dans le container coach pendant les régates, aux côtés de Thierry Douillard. Une manière douce de se remettre dans le bain avant de retrouver le cockpit du F50 en décembre à Dubaï.
Les enjeux de Cadix
Le Spain Sail Grand Prix I Andalucía - Cádiz sonne la fin de la période européenne de cette Saison 4, avant la poursuite du championnat au Moyen Orient puis dans l’hémisphère Sud. Un tiers des événements ont été disputés. Il n’est donc pas inutile d’amorcer ce premier virage en bonne position. Derrière les Australiens, leaders avec 6 points d’avance, les Britanniques et les Espagnols sont à égalité. Portés par leur public, ces derniers feront certainement tout pour disputer leur 3e finale de la saison. Attention aussi aux Danois (4e), l’autre équipe forte du moment et aux Néo-Zélandais, fortement pénalisés par leur forfait sur deux événements (aile cassée), qui auront à cœur de retrouver la place qu’ils occupaient aux avant-postes.
Côté Français (7e), il ne manque pas grand-chose pour accéder en finale. Quentin Delapierre et ses compères ont montré beaucoup de consistance en Italie. En espérant que Cadix leur porte chance, comme en 2022, lorsqu’ils avaient remporté leur première victoire.
Elles ont dit :
Manon Audinet : « Au fil des Grand Prix, j’ai senti que mon rôle devenait de plus en plus important au sein d’une équipe qui était elle aussi de mieux en mieux rodée. Je sais que Quentin et les membres du team ont confiance en moi, que mon avis compte, alors ça donne envie de se dépasser. Même quand on navigue à quatre et qu’il faut que je winche, on compte sur moi, alors je m’arrache. Aujourd’hui, j’adore mon poste. Regarder dehors, observer le plan d’eau, les concurrents, faire la tactique, ça m’éclate, mais je dois dire que j’aimerai beaucoup avoir la possibilité de jouer avec d’autres manettes du bateau : le contrôle de vol que j’ai pu tester en simulateur, ou le réglage d’aile qui ressemble à ce que je faisais en Nacra17… »
Amélie Riou : « Au tout début, le rôle des filles était très restreint. Il y avait tellement à apprendre sur le fonctionnement pur et dur du bateau. Il faut passer beaucoup de temps à comprendre ce bateau avant de pouvoir prétendre à quoi que ce soit, parce que sans ça, ça peut couter cher pour le matos et les hommes. De mon côté, j’avais à cœur de montrer que j’étais là, investie, et que je pouvais apporter une plus value. Aujourd’hui, j’ai beaucoup avancé au sein du team mais aussi en tant qu’athlète pour ma préparation olympique. On a notre rôle à part entière sur le F50 et c’est un rôle majeur où l’on n’a pas le droit à l’erreur. Il y a une grosse pression en permanence sur nos épaules. J’ai l’impression d’être tout le temps en alerte mentalement : je suis littéralement vidée à la fin des courses, même si je n’ai pas un poste physique. Le format est hyper intéressant, il développe la capacité à prendre des décisions hyper rapidement et à trouver des solutions sans jamais être vraiment prêt. Le circuit donne aussi accès à des personnes que je n’aurais peut-être jamais rencontrées dans ma vie, ça développe le réseau et c’est un paramètre important pour nous en tant que sportif ».